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Conte des Arbres Ô Mille Magies :

Au Cœur de la Forêt sacrée..

Il était une fois un lieu secret, caché, protégé par un enchevêtrement de végétaux épineux, de lianes entrelacées, afin qu’aucune incursion ne soit facilitée pour nul autre que le monde animal.

Ce lieu semblait désert mais ne l’était pas, loin de là.. La vie y était même multiple, variée.

Dans ce cocon se côtoyaient plusieurs univers de ceux qui ne sont pas forcément visibles à nos regards bien trop souvent limités, mais si palpables dans leurs intensités.

Depuis combien de temps ce lieu existait-il ainsi éloigné de tout ? Nul ne saurait le dire.. Devenu inaccessible il avait été effacé des mémoires  juste le temps d’un soupir, celui d’un temps ancien bien trop vite oublié.

Aujourd’hui pourtant, ce passage s’entrebâille et il est alors possible de pénétrer ce sanctuaire.

Passée une petite sente comme il y en a tant d’autres, il faut braver une double rangée d’orties et de ronces si hautes, qu’elles se recourbent et créent ainsi une haie menaçante prompte à lacérer ou piquer l'imprudent.

Nous sommes littéralement « avalés » par cette verdure aux doigts griffus dès la traversée d'un arbre qui, en guise de porte, nous amène dans un sous-bois sablonneux, vestige d’une rivière. Parsemé de galets aux rondeurs enfantines il nous guident par quelques circonvolutions douces, un peu plus profondément dans cet univers sauvage.

Les oiseaux se sont tus. Les luminosités changent au fil du chemin, dans le silence lourd qui s’installe et l’on découvre le vieil arbre triste et solitaire qui semble veiller sur les lieux silencieux. Apparaît alors une paroi de pierre où se dessine tel un fusain au teint passé, la silhouette féminine de celle qui ne peut qu’être la gardienne de ces lieux. Instinctivement nous nous sentons appelés et nos paumes malgré nous se posent sur la roche ancienne. Une émotion étrange, mélange de respect, d’humilité, nous saisit et la puissance primitive qui se dégage du roc gravé, abaisse nos fronts.

Droplet reflection - R91

En ce moment où tout semble avoir retrouvé sa normalité, surgit telle une crevasse qui aurait déchiré la roche, une entaille béante, étroite, chaotique, entièrement tapissée d’une écume douce irradiant le vert intense, celui des jungles les plus profondes, celui du berceau d’une rivière qui n’est plus, celle que l’on a pourtant sentie et ressentie depuis cette première porte, de façon inconsciente, celle qui nous a saisis et entourés de sa magie. Et cette révélation fulgurante, violente dans ce lieu sacré, au cœur même du manque, de la souffrance, tout se met en place. Notre être vibre alors à l’unisson des multitudes de vies de cette forêt. De cet appel qui émane de chaque micro-cellule de ce qui a été, de ce qui est aujourd’hui, dans un sentiment de perte inestimable, de désolation, d’attente qui n’en finit pas, qui semble une éternité.

On sent avec certitude que l’histoire s’est figée, à la seconde où ces flots ont cessé de couler. Qu’en perdant cette rivière, il s’est refermé sur lui, sur son chagrin et que dans cette symbiose brisée, dans cette loyauté qui unit les êtres même infimes et les vieilles énergies de la Terre dans leurs subtiles alchimies, toutes leurs volontés tendent désormais à ce retour espéré.

Une grotte masquée par une tenture de lierre se dévoile soudain dans sa pénombre fraîche, un antre caché aux formes courbes, percé d’orifices sculptées au gré des âges séculiers. D’instinct nous nous sommes tus, nous avons passé un portail de temps et d’espace, les énergies sont autres en ces lieux, inconnues et étrangement présentes.. Et nous ressentons confusément qu’un autre monde se dilate autour de nous.

Nous cheminons silencieux, songeurs, toujours étreints par cette émotion mystérieuse tandis que d’autres falaises nous attendent un peu plus loin, nous dominant telles de fabuleuses cathédrales baroques. Les arbres créant une voûte et montant la garde de part et d’autre, soldats géants inclinés sur les sommets, laissant filtrer par leur feuillage une lumière tamisée, qui colore l’atmosphère d’une lueur vert mouchetée d’ambre.

Des roches et arbres entremêlés émanent une puissance et l’on se met à douter soudainement que ce décor est aussi inerte que nous pourrions le penser, lorsqu’un souffle de vent fait danser les branches enlacées et qu’un langage mystérieux, d’un autre âge se fait entendre.

-Taiwan-foret

Plusieurs blocs de pierres de toutes tailles sont semés deci-delà, cubiques ou en pointes arrondies par le temps, autels de granit érigés et roches rondes, amenés là sans doute par une main de colosse et savamment déposés à une place bien particulière, chacun ayant la sienne de tout temps dédiée.. Nous comprenons soudain que rien n’a été fait au hasard, qu’une logique plus puissante a œuvré en ces lieux.

Une mousse et des lichens aux tons émeraude et teintes d’argent tapissent de leurs velours toute chose et dans cet écrin l'on sait qu’un univers est là, que l’on ne connaît pas et qui tient aux origines de la Terre.

L’on traverse « un sas » fait de silence ouaté et de pénombres qui bruissent, des goulets étrécis où même le soleil n’arrive pas à pénétrer et dansent les ombres mouvantes qui semblent s’y glisser. Les parois de pierres brutes semblent se rapprocher alors que s’éveillent en nous des instincts ancestraux faits de craintes profondes, d’inquiétudes, que nous pourrions penser infondées.. Et pourtant.. La pénombre règne en ces lieux, tel un crépuscule sans fin et l’on se sent mis à nu. Notre  carapace "d’humain modèle" semble alors se craqueler et se fissurer au fil de l'impression fugace et dérangeante qu’une multitude de regards sans yeux, nous mettent à nu et voient ce que nous sommes vraiment au plus profond de notre être, bien au delà de ce que nous souhaiterions dévoiler.

Vaillamment pourtant l’on continue ce chemin devenu pélerinage, comme sonnés ou mal éveillés d’un songe profond, un temps qui n’existe plus puisqu'il s’est arrêté. Peut être à l’entrée de ce bois, sans doute même..

Un long moment, mais l’était-il vraiment... ? Le paysage enfin s’allège, le soleil nous réchauffe à nouveau et l’on retrouve ces bois légers que l’on a l’habitude de visiter. On essaie de rire de nous-même, mais malgré tout nul ne peut oublier ce qui nous a traversé de part en part, comme un éclair d'argent et d'or.

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Nous n'étions plus qu’une Vie, un être relié à ces arbres, ces roches, ces esprits de la nature que l’on ressent vibrer tout autour de nous, tout comme les peuples animaux grands et petits, tous règnes confondus, de ceux que l’on ne voit peut être plus mais qui sont là,  pourtant. On se souvient alors des Faunes, des Fées et des Elfes, de ces énergies subtiles et puissantes que l’on nomme les Dévas, ainsi que ces autres encore dont nous n'avons pas su le nom. Nous nous rappelons les rêves de Dragons et de Chevaux ailés, de ces temps de légendes où les puissances du Feu, de l’Air, de la Terre et des Eaux dansaient et régnaient en ce monde. Des temps où l’homme qui n'était encore qu'un songe, aurait senti à quel point il était petit et si éphémère au sein de telles forces et pourtant, si délicieusement ému et touché de cette grâce exquise.

Alors oui, on ouvre son cœur en grand et l’on balaie tout ce que l’on croyait savoir ou connaître, et l’on décide enfin d’entendre et surtout d’écouter ce monde subtil, si délicat à nos êtres devenus si opaques et si lourds d'avoir tant oublié de la poésie du Monde. Elle qui en est pourtant la plus pure des beautés, éclose à la magie de nos imaginaires charmés.

​

Ce que nous sommes, l’Être véritable en nous, que nous cherchons parfois toute notre vie à retrouver, ne se découvrira pas dans nos petits bois aménagés et les aires au carré bien trop aseptisées. Ces énergies puissantes, celles où naissent aussi les orages, se trouvent encore cachées dans les profondes et grandes Forêts mais aussi au cœur des sources et  au sommet des plus hautes montagnes,.. ces lieux que l’on  sait « sacrés », dans ces havres que nous n’avons pas encore souillés.

Que faire alors,  pourrions nous nous demander..  ? Et je vous répondrais peu et beaucoup à la fois. Penser et surtout rêver ce monde tel qu’il était avant..  Avant que nos rivières n’aient été empoisonnées, détournées, avant le début de toutes nos destructions.

A cette aube du monde encore intacte..

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Alors  aimons  chaque morceau, même et surtout le plus infime de cette Terre et offrons lui un peu chaque jour, ne serait-ce qu’un regard.

Imaginons notre Terre, sa nature sauvage qui est sa subtile essence, restaurée de toute sa beauté qui irradie en tout lieu... 

Rêvons-la !

Et si ce ne sont que quelques gestes, pour Elle, pour Eux, notre Terre, nos Arbres, nos Rivières, toute cette faune et cette flore,

toutes ces énergies qui vivent en son sein , qui sont infiniment précieux et ne l’oublions pas, pour nous aussi,

puisque nous sommes ses enfants.

 

Ils sont, même si l’on ne le sait plus, encore et toujours une part de nous, celle qui prend ses racines en plein cœur de son histoire, 

là où tout fut créé.

Arbres automne

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